INTERPELLATION
L’avenir regarde d’en haut le présent. Le présent est bouleversé, noir, troublé. Le présent fait peur à l’avenir qui tend à être plus tard présent, mais qui recule aussi peu à peu à mesure que nous nous rapprochons de lui. Et l’avenir se demande s’il sera heureux…vu que nous ne sommes pas généreux envers le présent. Or la vraie générosité envers l’avenir, disait Albert Camus, consiste à tout donner au présent. C’est ainsi qu’on parviendra à édifier l’avenir meilleur dont nous rêvons, un avenir qu’il faut édifier à l’imitation du passé sans gémir sur les contingences de la vie quotidienne, les défaites, mais surtout, sans dédaigner le présent, car la vie du présent tisse celle de l’avenir.
Par ailleurs, édifier l’avenir à l’imitation du passé, c’est avoir cette aptitude atavique à aller de l’avant, c’est comme marcher sur la lignée de ses ancêtres…ce qui suppose une prise de conscience des actes d’hier, conscience qui soit un pont jeté entre le passé et l’avenir, question de savoir s’il n’y en a pas des répercussions qui se prolongent aujourd’hui. Parfois, il faut bien marcher vers l’avenir, les yeux tournés vers le passé, avec une conduite de triomphe qui se greffe sur son action de réussir. Cette action déterminera notre existence sociale. Notre existence sociale déterminera notre conscience qui, selon Hegel, est le devenir de l’esprit. Ce qui amène à reconnaître ici Gustave Lebon à sa pensée qu’il ne suffit pas seulement d’agir mais de savoir dans quel sens agir.
En effet, à l’heure actuelle où la misère est encore sur ses pieds de guerre, où l’uniformité la plus désespérante de la vie quotidienne haïtienne envahit l’univers des consciences obscures sous je ne sais quel progrès, il est important de nous percevoir non pas comme simple « objet », mais comme « objet pensant », placé au centre du quotidien et de la réalité, pour mieux comprendre le naufrage de nos ambitions, des idéologies, des espoirs, le naufrage du rêve ancestral, celui de l’indépendance…mais surtout, le naufrage de notre peuple qui n’a d’épave que la nostalgie du passé pour le bien-être qu’il nous rappelle.
Eliphen Jean
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