11 décembre 2014

Coïncidences parallèles, 2ème partie

Deuxième partie

Voilà ! un tissu d’incohérences, de sensations, d’inepties et de confusions nues… ma vie, me dis-je souvent, doit être étroitement liée à celle de ma première petite amie que j’allais revoir en 2012, la quatrième fois après ses trois années de silence, d’absence et de désespoir. Elle avait déserté ma vie, elle était partie comme en fumée pour l’Argentine. Le seul souvenir qui m’apparaissait souvent comme l’épave du bonheur était celui de son regard candide, malicieux et craquant, et de sa taille fine. Pas même un baiser. Pas même un câlin. Mais, il fallait la revoir…plus belle, plus allumeuse. Et depuis lors, nous étions tous deux altérés du bonheur de nous revoir tous les jours, nous croyant forts d’amour de combattre un jour ce qui nous tiendrait plus tard éloignés l’un de l’autre, l’inconnu. Et, nous nous livrâmes tous les deux au vautour de l’inconnu sans nous soucier des avatars qui nous attendent. Nous nous fixions sans cesse des rendez-vous tous les jours, des rendez-vous galants au bord du temps, nous avions toujours envie l’un de l’autre, nous n’y arrivions pas toutefois. Elle était souvent démotivée par je ne sais quel souvenir implacable et torturant. Ainsi nos rendez-vous devenaient des rendez-vous de simple dialogue ou de conférence en tête-à-tête. J’ignorais l’infranchissable mur qui s’était toujours érigé entre nous en ces instants-là, mais elle, non. Un jour, brûlant du désir de déflorer ce mystère qui s’épaississait petit à petit entre nous, je la pris dans mes bras, la serrai fort contre moi et, je commençai timidement, de peur qu’elle ne me repoussât, à frôler son corps. Dans une sensation étrange, je sentis ses seins se durcir contre ma poitrine, et j’entendis aussi des gémissements, on dirait des bruissements d’air filtré entre les dents serrés, je ne m’arrêtais pas. Alors je glissais ma main droite sur la braguette de son jeans pour lui chatouiller son gros pubis. Tout à coup, elle me repoussa violemment. « Arrêtez! Il faut qu’on arrête ! » cria-t-elle, et tout son corps se mit à trembler. En ces instants, elle commençait toute éplorée à m’affirmer sa personnalité dans une histoire qui n’en finit pas.

« Elle s’appelle Christina V. et je savais l’appeler Tina. Un jour, un homme nommé Vernet passait au bord d’un jardin mystique, hanté par les esprits, dénommé JARDIN NOIR, à Gros-Morne, et il entendit comme un écho au loin, des cris de nouveau-nés. Ces cris étaient pitoyables. Curieux, il pénétrait dans le jardin noir et voyait un bébé chagriné, une petite fille noire, belle mais chétive. Il l’emmenait avec lui comme si c’était la sienne. Cette petite fille, héritière du jardin allait être élevée, grandir dans une famille paysanne. »

Une grande femme aujourd’hui, elle a la chance de savoir comme moi ce côté noir de sa vie à vingt-trois ans. Elle doit se marier à quelqu’un qu’elle aime beaucoup et même trop, ce quelqu’un mourra et elle, elle deviendra une femme normale. C’est peut-être la raison pour laquelle elle ne voulait pas coucher avec moi. Soit qu’elle me préservait, soit que le fameux Saint Jean-Baptiste me protégeait. En tout cas, peu importe ce qui devait advenir, le mystique rêve de m’anéantir dans la quête de mon origine devait se concrétiser. Et il fallait à tout prix, rien que par des instants d’intimité sexuelle, la convaincre que son histoire n’était pas vraie, bien qu’au fond de moi j’eusse profondément peur. Un jour où je décidai de cesser toute conférence sentimentale – je veux parler des rendez-vous limités seulement à des conversations et échanges verbaux dans la chambre ou par les coins de rue – je me levai de très tôt et lui téléphonai :

« Allô ! Oui c’est moi poupée, je viendrais te voir aujourd’hui mais, la veille une moto m’a frappé, j’ai la cheville qui s’enfle »

Ces mots ou cet alibi ne suffisaient pas pour la convaincre de venir chez moi et j’ajoutais : « Je t’attends, je suis à la maison ; tu passeras à la pharmacie la plus proche de ta maison, m’acheter une pommade pour désenfler ma cheville. » Quelle femme amoureuse s’empêcherait de venir ? Elle ne connaissait pas ma maison, mais la zone, oui. Cinq minutes plus tard, elle m’appelait pour se dire en route. Le tap-tap – c’est ainsi qu’on appelle une camionnette de transport public – devait s’arrêter devant la station-service, dite essencerie pour les Africains. J’habitais dans le plus grand appartement du coin, un appartement blanc. L’escalier qui mène à ma chambre commence du rez-de-chaussée, à l’extérieur même de l’appartement. Alors, elle le prendrait tout en suivant mes indications au téléphone. Encore quelques secondes plus tard, on se retrouvait tous les deux dans ma chambre noire et sombre. Elle était timide et stressée mais moi, non car je savais ce que je manigançais. Innocente, elle cherchait ma cheville et moi, le malin, je feignais de souffrir atrocement afin de me faire masser plus tendrement. Peu de paroles échangées, juste des frôlements suggestifs et des soupirs complices. Elle découvrait enfin pourquoi nous y étions réunis ici tous les deux, aucun mystère sur l’objectif de notre présence dans cette pièce noire à haute température. Alors, les mots ne devaient avoir donc plus aucune espèce d’importance à cet instant précis. Elle me dit ainsi : « Dad, caresse-moi, envois-moi au septième ciel et oublie-moi dans les bras de Morphée. » Elle se mit debout sur mon petit lit habillé d’un drap blanc à ourlet fleuri et finement brodé, je lui tins les épaules et commençai à la déshabiller en l’embrassant fiévreusement. Elle avait l’air sûre d’elle. Impatiente, elle me renversa. Sa prise d’initiative m’excita. On a bien fait l’amour. Il n’y avait pas de conférence ce jour-là. C’était notre première fois. C’était un vingt mai. Elle était partie tristement heureuse… je restais nu sur mon lit, attendant ma mort. Le lendemain matin, je me levais en vie, plus en forme que jamais. Elle a bien reçu la nouvelle. C’est ce que je voulais de toutes mes forces. Lui faire l’amour. Si je ne meurs pas, c’est que son histoire est fausse et qu’elle est une femme normale. Depuis lors, elle n’a pas cessé de me désirer. Nos moments devenaient de plus en plus romantiques et immanquables, et son âme fière et noire plus sensible aux titillations piquantes de l’amour qu’elle ne l’avait été naguère… du vingt au vingt-quatre, du vingt-quatre au vingt-sept mai, on se désirait encore tous les deux. Ensuite c’était ses jours de menstruations. On a dû donc reprendre notre petite activité le 13 juin. Ce jour-là, nous avions expérimenté le Kâma-Sûtra, mais elle préférait nous voir en levrette, toutes les parties de nos corps étaient tout en émoi.

Deux jours plus tard, elle me rêvait : « j’étais venu chez elle, monté dans sa chambre, voulant faire l’amour. Ne m’ayant pas désiré et toute nerveuse, elle prit un couteau de boucher et me poignarda. Je me serais dans ce rêve défenestré si la fenêtre était ouverte et assez grande. »

Soudain, elle se réveilla dans un magma d’inquiétudes et de craintes, elle se réveilla dans une mare de sang. C’était plutôt elle, la victime. Saint Jean-Baptiste fut avec moi. Le sang ne s’arrêtait pas de couler et coulait pendant un mois, on eût dit de la ménorragie. Elle se faisait consulter par de compétents gynécologues. Le sang ne s’arrêtait toujours pas. J’ai pourtant bien compris que c’était parce que mon Ange Gardien me protégeait et était plus puissant que celui de ceux-là qui mouraient après avoir fait l’amour avec elle. On se voyait encore et encore. A la fin de juillet, je la persuadai de se rendre à Gros-Morne chez un fameux hougan, quelqu’un qui se met en contact avec l’invisible en vue de remédier à nos problèmes. Ce qui devait se faire était fait, le sang s’arrêtait. Le hougan la fit jurer de ne plus jamais entrer en relations sexuelles avec moi, et la fit voir dans un miroir l’homme avec qui elle devra se marier. Mais qu’en est-il de sa lettre bien enveloppée reçue de je ne savais quel Esprit en juin dernier 2012 avant notre rencontre? Dans cette lettre, mon nom était bien écrit. Dans cette enveloppe, il y avait une somme qu’elle devait partager avec moi. Malheureusement ou heureusement, elle ne l’a pas fait, et elle l’a plutôt partagée avec les pauvres. Peut-être que si j’en avais bénéficié, je n’aurais pas été aujourd’hui à écrire ces lignes discordantes et épuisées…toutes suspendues de l’énigme d’une destinée siamoise.

Toujours à travers le prisme de la passion, l’extérieur est saisissable et, je me contemplais encore fort capable d’abattre l’infranchissable qui fait peur. Mais, conscient de cette grave faiblesse humaine d’éclairer même par le phare du plus grand optimisme, les énigmes qui assombrissent l’existence de l’être, je choisis de me taire ou plutôt, je choisis l’amitié entre Christina et moi. Je me dis souvent, et même aujourd’hui, que notre amitié doit être tutélaire, plus tutélaire que ce fameux Saint Jean-Baptiste que je prétends me protéger, mais qui me laisse passer des nuits blanches, ventre creux, et des journées noires, poches crevées. En amitié, on éprouve moins d’anxiété, ou on n’en éprouve que volontairement. En amitié, passer des lustres, des décennies, des siècles sans se voir n’effraie pas trop. Car, c’est de l’amitié et, de l’amitié tout simplement, sans angoisse et sans heurt. C’est ainsi que de profonds silences s’installent entre nous au jour le jour et s’immobilisent par moments. C’est aussi ainsi que je me remets à vivre avec celle qui m’a circoncis de son sexe et que je n’oublierai jamais, la belle Oli, incapable pourtant d’éteindre mon passé de désenchantement et de mésaventures, mon passé, exutoire par où s’épanche ma déraison, cette raison de vivre qui sort parfois de ma tête.

Eliphen Jean

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Commentaires

Dario Augustin
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Jameson m'avait fait parvenir il y a quelques annees un texte presqu'identique. Sans doute etait-il de toi! Il y a du mouvement et du rythme dans le texte, il y tombe une poesie langoureuse sans mievrerie cependant qui est souvent l'ecueil de ce genre de recit. Chapeau!