10 février 2015

Les manifestations populaires sont justes

Nancyroc.com
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Peu importe ce qu’on dit de moi. Je ne suis pas contre les manifestations populaires dans mon pays. Les causes des manifestations sont profondes. Les mouvements de grève dans la fonction publique sont justes. Le théoricien politique français George Sorel du 19e siècle l’a déclaré : c’est dans les grèves que le prolétariat affirme son existence. C’est vrai, car l’État se fout du prolétariat. L’Etat s’en sert pour réparer les détournements de fonds, les dépenses injustifiées, les blanchiments d’argent. C’est une vérité, croyez-moi. Les prolétaires ne peuvent alors que se soulever. (En août 2014, j’ai payé 50 gourdes pour réaliser mon numéro d’Immatriculation fiscale. L’espace d’un cillement ! Trois mois plus tard, on exige aux salariés 300 gourdes et 150 gourdes aux sans-emplois. Qu’est-ce que cela veut dire ?

En effet, je veux montrer que les contestations populaires ne sont que la conséquence des injustices sociales et des abus de pouvoir. La résistance à l’oppression est un des droits du citoyen. Le pays entier est soumis à une autorité qualifiée d’excessive et injuste. Haïti gémit sous une forme d’autorité et de violence morale. Qui plus est, la bourgeoisie est de nouveau au pouvoir, elle qui a toujours été en faveur des Etats-Unis. Souvenons-nous de l’époque de l’occupation américaine. La bourgeoisie, sous le paravent monstrueux du nationalisme a dirigé et malmené le pays après la chute du président Louis Borno en 1930. La masse populaire a toujours servi de tremplin à la bourgeoisie haïtienne. Une bourgeoisie commerçante en décadence constante, car elle est incapable d’entraîner son pays sur la voie du développement durable et du progrès.

« De grâce, ne me lancez pas des pierres, mais soyez plutôt de mon côté. Je suis moi-même de votre côté, malgré tout, car si je parle de vous en ces termes, je parle aussi pour vous comme pour moi, car Haïti c’est notre affaire. »

Il est temps de sonner le glas de la misère et de la pauvreté. La liberté d’expression est maintenue trop longtemps sous les barreaux. On doit cesser d’étrangler la liberté des plus faibles. Ils souffrent véritablement. Ils n’en peuvent plus ces pauvres manifestants, affamés, pieds nus, qui marchent dans les rues pour des causes justes. Si les causes n’étaient pas justes, pourquoi l’État haïtien accepterait-il aussi vite cette semaine une baisse quoique maigre du prix du baril de pétrole ? Pourquoi a-t-il été accepté la démission du premier ministre récemment, bien que certains l’aient vue comme planifiée ?

À l’aune des crises et faits, il faut comprendre que la vie sociale est corrompue, car l’élite politique est corrompue. Honnête, l’élite politique de mon pays ne l’a jamais été. Si de génération en génération la misère ou la pauvreté sévit encore considérablement en Haïti, c’est parce qu’il n’y a jamais eu une politique transparente, généreuse et honnête. Il n’y a jamais eu une politique fondée véritablement sur la primauté de la nation. Et, ce phénomène doit, selon moi, remonter à plus de deux siècles. Nos ancêtres voulaient simplement être libres. Une fois libres, ils se sont laissés, pour la plupart, dominer par l’instinct du tambour-major, pour répéter après Martin Luther King, l’instinct de domination, de tenir le gouvernail à leur façon. Folie de grandeurs, vous savez bien ce que c’est. Pourtant, Haïti entière leur doit une fière chandelle.

Le drame moral que vit le pays est profond. Les injustices ne sont pas imaginaires. L’indépendance du premier peuple noir est à remettre en question. Le parallélisme entre l’esclavage et cette occupation déguisée qui s’appelle impérialisme est évident. Les choses vont de mal en pis. Nous assistons à une résurgence barbare de l’occupation. L’élite politique et filiation profite de cette situation au détriment des masses populaires.  Je ne suis pas contre le phénomène de manifestations, mais je souhaite un meilleur encadrement des mouvements populaires par un leadership organisationnel responsable. Toutefois, sera-t-il possible sans une élite politique civilisée et honnête ?

Éliphen Jean

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Commentaires

Widlore Mérancourt
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...Si je parle de vous en ces termes, je parle aussi pour vous comme pour moi, car Haïti c’est notre affaire. » Rien a y redire camarade ! Rien a y redire camarade. Pour reprendre la these de Hannah Arendt, l'abus de la violence est souvent synonyme d'une perte de legitimite du pouvoir, de sorte qu'un pouvoir autoritaire ne peut etre legitime ! Merci pour ce billet.