9 mars 2015

Une jeunesse dans la rue…

Ils sont nombreux. Ils pourrissent dans les coins de rue, entre ordures hétéroclites et mares fangeuses. Ils chargent les camions à tous les carrefours servant de station de taxis et de voitures de transport en commun. Ils traînent à tous les coins de rue. Ce ne sont pas des va-nu-pieds, mais ils vont pieds nus partout. La plante de leurs pieds est éraflée, rayée, brûlée sur l’asphalte chaud, sous le soleil de midi. Ils sont tous abandonnés à leur triste sort. On les appelle comme on veut. Clochards. Voyous. Mendiants. Escrocs. Chenapans ou vauriens. Ils sont tous en loques, haillonneux ou dépenaillés. Quant à moi, je n’ignore pas qu’ils sont aussi des humains qui méritent une vie normale. J’aurais pu être d’ailleurs comme eux ou avec eux si mes parents m’avaient délaissé. Comme certains de ma génération, je pars du bas de l’échelle sociale que je gravis encore à une allure vertigineuse, non désespérante… Ils ne choisissent pas de vivre en marge de la société. C’est plutôt la société qui s’oppose violemment à eux.

Ces humains à la misérable existence, n’ont pas tous une même cause de misère. Certains sont délaissés de leurs pauvres parents et de parents pauvres. D’autres sont influencés par leurs compagnons de route, en revenant de l’école. Tous petits, ils font l’école buissonnière, ils déferlent en masse sur les places publiques. Il arrive que la plupart soient des orphelins qui empruntent la voie des sans-voix, faute de tuteurs.

Par ailleurs, on ne peut parler d’une jeunesse haïtienne, sans penser à cette couche sociale marginale, et prolifique, que rien n’empêche, selon moi, d’être majoritaire. Cette couche d’enfants de rue. Enfants disparus, pour la plupart, qui se retrouvent dix par rue, et qui, à dix pas, se ruent sur tout ce qui semble alléchant : un portefeuille égaré, par exemple.

hpnhaiticom
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Ils s’habituent à la misère du temps, à l’incommodité, à l’infortune, à la disgrâce. Ils s’aguerrissent au dénuement. Le trottoir sent le taudis. Abject. Sale. Fétide. Le soir, ils étalent leurs morceaux de carton sur le trottoir pour se coucher, en haillons ou torse nu. Les plus faibles n’ont pas de cartons. Au matin, ils quittent le trottoir, ils trottent par toutes les rues, ils s’en vont à leurs petits métiers. Sans se brosser. Sans se laver. La vie les appelle…ils s’en vont au hasard du temps.

Incroyable, mais on peut y croire. Ils savent s’aimer. Leur fraternité d’esprit est réelle. Leur esprit d’équipe aussi. Si seulement, nous pouvions tous nous aimer, au moins, de l’amour des enfants de rue… Haïti en a besoin.

Éliphen Jean

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