J’en appelle à l’honnêteté

Article : J’en appelle à l’honnêteté
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29 janvier 2015

J’en appelle à l’honnêteté

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La terre n’est pas seulement peuplée de méchants, mais aussi de bons. Il y a des gens dont le cœur est creux et plein d’ordure, il y en a dont le cœur se répugne aux souillures de la vie et surabonde en humanité. Ce cœur est d’une intransigeance puritaine, pour répéter après Romain Rolland, cet écrivain français du 19è siècle. Ce cœur pleure l’humanité souffrante, et semble saigner à chaque battement. Les gens d’un tel cœur luttent, sans compter sur un gouvernement, contre les plus terribles calamités qui fondent sur leur pays : la famine, les épidémies… Ils prennent des mesures contre les fléaux sociaux : l’alcoolisme, la drogue… Alors, ils participent. Ils posent leur petite pierre, ce qui montre leur ambition d’avoir un jour un rocher. Ils se reconnaissent chacun un maillon de cette chaîne qui est le monde. Un maillon ténu, mais infrangible. Ils se sentent tout simplement interpellés, car le monde c’est aussi leur affaire. Ils agissent, car l’action humaine, pour eux comme pour Teilhard de Chardin, est la moelle épinière du monde. Ce sont donc des acteurs sociaux qui comprennent que la société est l’union des hommes, comme écrivait Montesquieu. En effet, ils sont, ces gens-là, foncièrement charitables. Leur charité ne s’enfle pas d’orgueil, et ne cherche pas son intérêt. Ces gens-là font non seulement, pour la plupart, des dons ou des générosités dans des communautés défavorisées, mais la misère dans leur pays éveille en eux, avant tout, des résonances profondes. Être charitable, selon Henry Grouès Pierre dit l’abbé, ce n’est pas seulement donner, c’est avoir été, être blessé de la blessure des autres. Cet homme savait mener son combat contre l’exclusion sociale et la pauvreté, ce qui a fait de lui une figure emblématique de la vie politique et sociale française.

Haïti, quant à elle, ne saurait être peuplée seulement de méchants. Mais, où sont passés les bons ? Ils sont au nombre de combien ? Sont-ils sourds ou aveugles ? Haïti a besoin d’espérer. Haïti veut retrouver sa tête altière de jadis, comme le cygne élevant son cou gracieux par-dessus le marécage. Elle rampe trop longtemps de son ossature… Les inquiétudes rampent graduellement au fond de la jeunesse.

J’interpelle davantage ici la conscience de tous. La mienne est aussi interpellée. J’exhorte les bons et les méchants. J’exhorte les responsables politiques, les militants, les autorités religieuses, à se pencher sur cette jeunesse consciente qui a soif de réussite, mais qui a soif aussi d’espérer… Ce peuple qui aspire à vivre normalement comme un peuple humain. Nous entendons tous les cris aigus et déchirants, tantôt étouffés, tantôt inarticulés, de nos frères et sœurs haïtiens… Tout le pays en résonne. Ces cris viennent de la matrice éventrée de cette femme en mal d’enfant qu’est Haïti. Cris de fureur, de colère, de douleur, de désespoir. Cris de rage.

Je demande aux hommes politiques de réfléchir même un peu sur le sort qui s’acharne sur ce peuple qui est nôtre. J’en appelle à l’honnêteté des uns et des autres. La jeunesse haïtienne est trop longtemps sacrifiée à l’autel de l’injustice et du désespoir. Elle est trop longtemps brûlée au bûcher de l’orgueil, de l’égoïsme, de la vanité, de l’enrichissement personnel. Réfléchissez, et dites-vous si cela en vaut la peine que vous fassiez de la politique. La politique, ne consiste-elle pas à placer l’intérêt général au-dessus des ambitions personnelles ? Ne serait-ce pas beau de dire un jour : regardez comme notre pays rayonne et prospère ?

Chers compatriotes, j’ignore combien de vous liront ces mots, mais je vous rappelle la légende de notre pays : l’union fait la force. Quand est-ce que cette légende deviendra-elle une réalité ? Haïti, soyons persuadés, serait plus forte si elle était unie. Une Haïti unie n’est pas une Haïti sans frontières intérieures, mais une Haïti aimée, adorée.

J’en appelle à l’honnêteté. J’en appelle à votre cœur. Honnêteté de part et d’autre. Vous qui avez le pouvoir, vous qui êtes riches, je vous supplie de faire quelque chose pour changer le quotidien des nôtres. Haïti est notre affaire. J’interpelle la conscience des autorités religieuses notamment protestantes. La quête qui se fait quotidiennement dans les temples que vous dirigez peut se faire aussi au profit de votre communauté. Construisez des entreprises, vos fidèles ont, pour la plupart, besoin d’emploi. A quoi bon d’évangéliser, de faire croire aux fidèles qu’ils ne manqueront de rien comme il est dit dans le psaume 23, alors que des enfants de vos temples ne peuvent pas aller à l’école ? En vaut-il la peine, alors que vos fidèles viennent à l’église affamés ? Il est temps de voir plus loin, il est temps de penser pour demain.

Voyons Haïti comme un corps dont nous sommes chacun un membre, et portons assistance aux membres malades en vue de maintenir ce corps bien portant. Haïti est souffrante.

Éliphen Jean

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Commentaires

Arthur Roland Elie
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Pour ceux qui ont davantage que lea demunis, j'ai fini par comprendre on n'ira jamais a la tombe avec tous les biens qu'on aura accumules au cours des ans. Donc il est preferable en verite d'investir sur un enfant, un jeune qui representent en soi notre avenir. Nous sommes tous appelles a servir dans ce monde..mais helas nous avons ignore notre vocation.
Bon travail mon cher Eliphen. Merci de nous rappeller a la bonte et de fuir la mechancete qui nous enveloppe tous. Soyons unis!