Libre malgré le froid dans cette ville

Article : Libre malgré le froid dans cette ville
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8 juin 2017

Libre malgré le froid dans cette ville

Douarnenez. Vue du port du Rosmeur

Bientôt l’été. Je deviens de moins en moins costaud. Je ne porte plus mes trois pulls. Je m’acclimate. Je suis un pauvre errant dans cette ville que le froid m’empêche de conquérir, en voulant faire de moi un casanier chronique. Cette ville Douarnenez où l’odeur des poissons me va droit au nez. Où le cri des mouettes m’empêche parfois de dormir. Cette ville de la Bretagne, métropole de la sociabilité humaine, est la ville de ma liberté. J’ai toujours rêvé de cette liberté. Comme j’ai toujours rêvé d’un vélo. Comme j’ai toujours rêvé d’avoir, à moi seul, une chambre.

Pour une fois dans ma vie, je suis plus libre que le chien. Dans cette ville, les chiens ont tous des colliers et sont toujours accompagnés de leur maître. Alors que là-bas, dans le pays natal de ma poésie, c’est plutôt les hommes qui auraient des colliers. Les chiens de mon pays errent seuls et librement dans les rues. Les hommes, non. Peut-être à cause des bandits, la faim qui tire à hauteur d’hommes, à bout portant.

A voir le lien affectif et puissant entre les chiens et leurs maîtres en Bretagne, je me demande pourquoi, chez moi, s’engueulent les hommes et les chiens tout le temps. Et bien voilà! Ce contentieux ne date pas d’hier. Napoléon apportait le 1er mars 1803, au Cap-Français (actuellement Cap-Haïtien deuxième ville d’Haïti) des chiens cubains, égaux des plus grands lévriers écossais ou russes, pour chasser les escvlaves. Ces chiens passaient d’instrument d’intimidation à celui de lutte et de répression contre les marrons. Les chiens et les hommes n’ont jamais été des amis.

Pas comme chez moi, les chiens d’ici n’aboient pas sur les passants et respectent les immigrés. Mais le froid, pour moi ici le seul raciste, n’a pas de pitié.

Toutefois, cette liberté, je n’ai pu l’avoir pleinement en Haïti qu’entre les lignes de mes cahiers d’écoliers, premières ruelles de mon enfance.

Éliphen Jean
en résidence d’écrivain en Bretagne

 

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